Avec des copains de Lyon, nous avons décidé de nous rendre au FOSDEM 2025, à Bruxelles. Un week-end, c’est bien trop court pour une ville inconnue. Alors, on s’est dit qu’on allait s’offrir deux jours en plus, histoire de flâner un peu et de ne pas se contenter que de l’événement.
La veille #
Nous avons eu la briante idée de faire notre trajet en bus. Onze heure de trajet en pensant naïvement pouvoir dormir et ainsi économsier sur les congés et le logement. Une briante idée comme celle de gravir le Mont Blanc en tongs.
Nous nous sommes retrouvés sur les quais de la Saône le mercredi soir. C’était un décor parfait pour le début d’un voyage. Puis nous avons rejoint Perrache pour prendre notre bus… Une horreur totale, rempli de l’odeur aigre de la misère humaine, peuplé de passagers bedonnants et bruyants, des créatures qui semblaient tout droit sorties d’un carnaval de l’absurde. Ils faisaient des allers-retours incessants dans le couloir étroit, un boyau claustrophobique qui menait à des toilettes dont l’odeur aurait pu tuer un rat. Chaque pas, chaque mouvement, chaque grognement de ces êtres semblait orchestré pour nous rappeler que nous étions pris au piège dans une machine infernale.
Et puis il y avait les conducteurs, petits dictateurs en uniforme, armés d’un micro et d’un sens de l’humour sadique. À chaque étape, leurs voix nasillardes déchiraient le silence relatif, annonçant les arrêts avec un enthousiasme qui frisait la provocation. Et comme si ça ne suffisait pas, ils allumaient les lumières à leur intensité maximale, transformant l’intérieur du bus en une scène de chirurgie où nous étions tous des cobayes consentants.
Les heures — ou étaient-ce des années ? — défilèrent dans un flou de bruit, de lumière et de puanteur. Chaque virage, chaque freinage brutal, chaque annonce au micro était une nouvelle torture, une nouvelle preuve que nous étions condamnés à errer dans ce purgatoire roulant pour l’éternité.
Et puis le bus s’arrêta. Nous sommes sortis, hagards, les jambes flageolantes, l’esprit encore hanté par les échos des annonces et les visions des passagers grotesques. Le matin nous a accueillis, froid et indifférent, comme si il savait que nous avions survécu à quelque chose d’indicible.
Jour 1 #
Débarqués aux aurores, on s’est mis en quête d’un petit café pour chasser notre fatigue. Notre appartement n’étant disponible qu’à partir de 15h, on avait tout le temps de se trouver des occupations et surtout de commencer la visite. Bruxelles, à première vue, c’est une ville à l’architecture incertaine, rongée par les voitures et les travaux. Comme beaucoup d’autres villes européennes, mais de manière plus marquée.
Après ce café, on s’est jetés dans le cœur battant de Bruxelles. Les Galeries Royales, avec leur allure majestueuse d’abord, puis on a filé voir La Grand-Place, encerclée par d’imposantes facades gothiques et baroques, le Manneken Pis, ce petit bonhomme gardé bien précieusement par une quantité pharaonique de touristes. Et pour couronner le tout, sur le coup des 10h, on s’est offert notre premier kebab belge, un repas sain et hautement nécessaire pour nous remettre en jambes.
Pour bien digérer ce festin improvisé, on a mis le cap sur le musée de la Vie Bruxelloise, juste en face de l’Hôtel de Ville. Là-bas, on s’est plongés dans un tourbillon d’histoire : des tableaux du XVIe et XVIIe siècles, des maquettes de la ville à différentes époques, de la faïence délicate et des sculptures religieuses à foison. Un vrai voyage dans le temps.
En sortant, nous nous sommes rendu en face, au Musée de la bière. Franchement, c’est de la poudre aux yeux. Une minuscule salle remplie d’informations bidon, quelques cuves en métal histoire de faire illusion, et à la fin, une dégustation dans un coin en bois qui fait faux vieux pub, trop propre, avec des carreaux colorés pour faire genre. C’était une farce.
Puis nous nous sommes perdus. Dans une galerie commerciale de l’angoisse ou les vendeurs à l’affût cherchent à vous refourger des valises, des contrefaçons de fringues. Il y avait une dizaine d’ongleries et des stands de bouffe miteux pour touristes naïfs. L’ambiance y était pesante mais nous avons réussi à en sortir indemnes, comme des soldats revenant du front.
Nous avons continué de marcher pour se rapprocher de notre appartement, croisant quelques disquaires, des fripes, avant de tomber sur ce bar, le Chaff, sur la place du Jeu de Balle. Là, enfin, un peu de répit, un vrai endroit où l’air sentait la liberté. La bière était bonne.
L’appart était correct, nous avons posés nos affaire puis sommes ressorti pour faire quelques petites courses en rapide. Après une petite sièste et un bon repas, nous sommes ressorti pas trop loin, au Petit Lion, où une population se mêle entre cool kids actifs et piliers de bar, dont un vieux con ivre mort voulait nous apprendre le respect à nous, “les jeunes”.
Nous avons continué notre exploration du quartier, un peu trop désert pour un lieu sensé être animé dans une capitale, puis nous sommes rentré nous coucher complètement éteint par cette journée.
Jour 2 #
10h. Réveil en sursaut dans mon canapé lit, l’esprit encore englué dans le sommeil. La bouche pâteuse, je saute sur la bouilloire, authentique figure de la civilisation moderne, et fait couler l’eau frémissante sur deux cuillerée de café soluble Lidl.
Une nouvelle journée de visite s’annonce. Première halte : les friperies, où j’extorque une polaire aussi épaisse que la fourrure d’un yéti. Achat nécessaire contre un vent glacé qui semble tout droit sorti de Sibérie. Sur la place de l’église Notre-Dame-de-la-Chapelle, nous dévorrons notre petit-déjeuner-déjeuner.
Reprise de route jusqu’à Notre-Dame des Victoires au Sablon qui renferme un orgue magnifique.
Puis le Palais de Justice, une abomination architecturale, un mastodonte de pierre qui écrase l’horizon. La Salle des Pas Perdus ? Plutôt la Salle des Âmes Perdues où des avocats vampires en robes noires chuchotent des incantations légales. Au dessus, la coupole. Vingt-quatre mille tonnes de folie mégalomaniaque qui défient les lois de la physique et de la raison. Tout ici est gigantèsque.
La marche vers le Palais Royal, ensuite. Un parcours du combattant : trottoirs éventrés, pelleteuses hurlantes, ouvriers zombifiés par le capitalisme tardif. Le Parc de Bruxelles ? Une mascarade de verdure aussi attirante qu’un cendrier géant. Le Jardin Botanique, quant à lui, ressemble à un cimetière de plantes abandonné par un jardinier dépressif. Mais bon, c’est l’hiver.
L’heure est venue de rejoindre le Parlement Européen, ce temple de la bureaucratie où des technocrates en costard jouent aux dés l’avenir du continent. Ce n’était plus le temps des visites, nous sommes reparti à notre appartement.
Pour cette deuxième soirée, nous avons retrouvé un copain venant aussi au FOSDEM avec ses potes. Bonnes retrouvailles et rencontres. Couché tard, pratique pour les conférences du landemain…