Lyon
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├ 04/08 ~145km
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Charme-Sur-Rhône Camping Municipal
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├ 05/08 ~175km
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Lunel Camping du Pont de Lunel
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├ 06/08 ~70km
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Sète Georges Hostel
Cinq jours de trou entre deux voyages, comme un vide absurde qu’il faut remplir à tout prix. Alors je décide de me faire une petite virée à vélo. Jusqu’à Sète. Je ne sais pas d’où ça me vient mais l’idée se faufile dans ma tête. Peut-être que c’est juste l’envie de retrouver la mer, le refus de l’ignorer ne serait-ce qu’un été. Ou peut-être parce que ça fait longtemps que j’aime cette ville. Elle est au bout de la ViaRhôna, une piste cyclable qui longe le Rhône, toute tranquille. Une bonne invitation au voyage. J’en ai pour plus ou moins quatre cent bornes, à faire sur trois jours parce que je veux rester au moins deux nuits à Sète. C’est faisable, mais il faudra s’activer.
Niveau préparatif ce n’est pas vraiment ça, je me décide le samedi pour un départ lundi matin. Pas vraiment le temps qu’il faut pour préparer ça comme un raisonné mais j’ai déjà une bonne idée de mes besoins matériels et alimentaires. Pour le couchage c’est flou. Mais les berges du Rhône ne doivent pas manquer de campings ou de coins planqués pour planter ma tente.
Premier jour #
Départ vers 9h, direction le sud. Si j’avais su à quel point la chaleur allait me dégommer, je serais parti à l’aube. Sortir de Lyon est une épreuve et Google Maps me perd plus qu’autre-chose entre la route et la piste cyclable. Une raison de plus pour foutre Google à la porte. J’installe donc fissa un dérivé d’OpenStreetMap et il est déjà temps de rattraper mon retard.
Passé Givors, je quitte inexplicablement ma trace. Je me retrouve paumé entre une Zone Industrielle odorante et l’A7, sur une route de merde encombrée de gros rochers, la rendant quasi impraticable à vélo.
Je retrouve un peu plus tard la ViaRhôna, la route est belle, elle serpente à travers quelques bois calmes, je respire enfin. Je roule jusqu’à Ampuis où je fais ma première pause pour manger. Un chat déboule, vient me gratter l’amitié pour ma fin de salade au thon. Je cède.
Je continue ma route pour arriver vers Saint-Vallier puis je rallie la RN7 pour m’avancer plus rapidement. Étape particulièrement fatigante, harassé par le soleil et par des gros poids lourds. Ces monstres me doublent à quelques centimètres comme s’ils voulaient me foutre par terre. A chaque passage, leur aspiration fait trembler mon guidon. Je serre comme il faut pour ne pas m’envoler.
Petite pause limonade à Tain-l’Hermitage sur les quais de Rhône pour me remettre en jambes puis je prends la D86 jusqu’à Valence. Ça roule plutôt bien mais le soleil continue son carnage. Là, je récupère la piste cyclable pour arriver à Charme-Sur-Rhône au camping municipal que j’avais repéré un peu plus tôt.
Je monte ma tente et file à la douche. Des coups de soleil comme je n’en ai jamais eu, je n’aurai pas dû être si avare en crème solaire. Un vrai abruti. Je me console avec une bière, histoire aussi de fêter cette première étape. Je m’installe, ouvre mon bouquin et me laisse porter par les pages, pendant que la journée finit de m’achever doucement.
Deuxième jour #
Je pars au lever du soleil, direct dans le bain. Passage rapide au supermarché pour mes repas du jour. Une baguette et du camembert, ça suffira. Je reprend la D86 et m’avance jusqu’à Baix. La route défile, je croise quelques magnifiques Méharis garées sur le bord, des bagnoles qui ont de la gueule, qui appellent le sud et la plage.
Passage par la Centrale Nucléaire de Cruas-Meysse. Des cheminées gigantesques qui crachent leur vapeur, des géants de béton qui dominent le paysage. Je ne réfléchis plus à grand-chose, cette étape du voyage est particulièrement fatigante. Chaque coup de pédale est une action mécanique, comme si mon corps et mon vélo étaient devenus une seule machine. Je ne pense à rien, les kilomètres défilent sans que je les compte. Une succession de gestes répétés, pas d’engagement mental sauf l’envie d’avancer.
Je continue péniblement ma route vers le sud et la fatigue me ronge. Arrivé à Avignon, je décide de lâcher le Rhône et de faire une pause en mode train, direction Nîmes. Pas de regrets pour cinquante bornes en moins. J’ai besoin de couper, de reposer les jambes, et le train m’emmène plus vite que mes roues ne pourraient le faire.
Je reprends la route direction Lunel, où le deuxième et dernier camping de ce voyage m’attend. Je ne change rien à mes nouvelles habitudes : douche, bière, bouquin. En fond, une partie de quine se déroule parmi des habitués du camping, qui n’ont pas l’air pressés de bouger. Je les observe un moment, sexagénaires plongés dans leur rituel machinal. La fatigue m’envahit, je me pieute.
Troisième jour #
Comme me l’a conseillé le gérant au détour d’une discussion, j’emprunte le canal de Lunel. Je profite encore de la fraîcheur pour prendre une pause et un petit déjeuner pas compliqué. Une fougasse et d’un pain à la viande, histoire d’avoir assez d’énergie pour attaquer vraiment ces derniers kilomètres.
Au bout d’un moment, la route n’est plus praticable pour un vélo de course comme le mien. Je rejoins donc la D61 que je suis jusqu’à la Grande-Motte. Dommage, j’aimais bien ces baraquements de pêcheurs le long du canal. Le soleil tape fort mais je sens la mer qui approche, comme une promesse qui se réalise au bout de ces kilomètres.
Je reprends enfin la ViaRhôna, cette fois le long du Canal du Rhône, de Palavas-les-Flots à Frontignan. Pause repas et reprise jusqu’à Sète. Le vent marin souffle bien comme il faut.
Sète ! Enfin ! Je pose mes affaires à l’auberge et file au centre ville pour commencer à explorer. Le soir arrive, je trouve un moules-frites pas trop cher, puis je rentre pour me trouver des compagnons de parlotte. Je rencontre un gars du ch’nord avec qui je passe la soirée à coup de rires et d’anecdotes au bord de l’eau.
Quatrième jour #
Une journée qui commence par une grasse matinée bien méritée. Je me rend au café du coin pour faire mon programme de la journée. Si tôt, le soleil est pourtant déjà lourd et le vent porte avec lui l’ambiance des jours lents. C’est pour ça que j’aime le sud.
D’abord un saut à la mer. Je pars ensuite au panoramique du Mont Saint Clair pour profiter de la vue sur la ville, l’étang de Thau, le port et la mer. Puis je pars me perdre dans les ruelles de la colline.
Je redescend par le Cimetière Marin, où repose Paul Valéry. Je voulais surtout voir Brassens mais lui, il dort de l’autre côté de la ville, sous son pin parasol je l’espère. Faudra que j’y passe.
Je continue mon chemin et m’arrête dans un café qui sent la poussière et le temps passé, tenu par une vieille dame. Je l’aide à réparer son ventilo puis je me pose, sors un bazar sur la table de la terrasse pour rédiger mes cartes postales.
Il faut que je rentre mon vélo à l’auberge, trop de monde dans les rues et ça commence à me gêner. Je continue ma promenade au port. L’après-midi est déjà bien avancé. Mon ventre étant trop vide, je me décide enfin d’aller goûter aux Tielles Sétoises maison. Rien à voir avec celles du commerce qu’il m’arrive parfois de manger. Je les dévore dans un coin du port face à un gigantesque et très laid bateau de la Corsica Ferries.
Je poursuis ma dérive et, en début de soirée, je me perds hors de la ville, sur des rochers déchiquetés sur lesquels viennent s’écraser les vaguelettes de la Méditerranée. Absorbé par ce spectacle et par ma musique qui déverse ses sons saturés, je reste là jusqu’à ce que la nuit m’engloutisse.
Cinquième jour #
Le jour du retour. Je me rends à la gare de bon matin mais le soleil tape déjà fort. Au moins je resterai au frais dans le grand serpent de fer. N’ayant pas de réservation pour mon vélo et voyant les contrôleurs s’affairer, je me fais discret. Je fais la rencontre d’une cycliste qui se rapprochait en train de la Suisse pour pédaler ensuite jusqu’en Allemagne. Un vrai périple. Dans la vie ? Elle construit des moteurs de fusée. Le genre de personne qui te largue dans n’importe quel domaine sans sourciller. Nous échangeons contact puis nous nous quittons à Valence. Comme deux vagues qui se croisent sans vraiment se toucher. Je me laisse porter par le reste de mon trajet, tout tranquille, jusqu’à Lyon.